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Quelles solutions pour le financement des exploitations ?

« Le recours à l’emprunt est de plus en plus difficile du fait de l’agrandissement des structures et de l’accroissement des immobilisations à financer », note le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture.

L’offre de financement manque pour les exploitations agricoles. Des solutions innovantes émergent mais leur application nécessite des évolutions réglementaires, relève le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture.

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L’essor d’outils innovants pour le financement des exploitations agricoles passera par « une évolution des réglementations nationales et européennes », relève le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture dans une note d’analyse publiée le 16 décembre 2024. Cette dernière fait suite à la publication d’un rapport, commandé par le ministère de l’Agriculture, sur les outils de financement innovants pour l’agriculture française, publiée en juin 2024.

Le secteur agricole fait face à « un déficit structurel de financement des exploitations », relève le CEP. « Des investissements conséquents sont nécessaires » pour permettre aux agriculteurs de relever les défis auxquels ils font face, mais « l’offre de financements manque ». Ce déficit est estimé entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros par an, d’après un rapport de la Commission européenne de 2020 (1) , rapporte le CEP.

Des spécificités agricoles

La note du CEP relève les « limites des outils » dits « classiques », du fait des spécificités des exploitations agricoles. Le document pointe notamment « la durée des cycles de production, la volatilité des prix, et le temps de retour sur investissement parfois long ». « Dans de nombreux cas », l’activité agricole nécessite un capital considérable pour financer les infrastructures et les équipements ainsi que les achats d’intrants liés au cycle de production, généralement financé par la dette bancaire.

Les outils de financement existants, comme les prêts bancaires ou les outils s’y apparentant, tels que les financements proposés par les coopératives ou les collectivités territoriales ou simplement le financement des besoins de l’entreprise « par le compte courant d’associé », ne suffisent pas « à répondre aux nouveaux besoins de financement des exploitations ».

La question du cautionnement est souvent une limite aux financements et même dans le cas de cautions extérieures (comme celle apportée par le Siagi, ou parfois par les coopératives) « le recours à l’emprunt est de plus en plus difficile du fait de l’agrandissement des structures et de l’accroissement des immobilisations à financer ».

Des investisseurs frileux

Les investisseurs sont « peu enclins » à utiliser leurs capitaux dans le secteur agricole, qu’ils connaissent mal, pour lesquels « les contours flous de « l’activité agricole », les aléas climatiques, les incertitudes réglementaires et les disparités de rentabilité entre exploitations » compliquent les analyses financières. Face à ces constats, les investisseurs potentiels considèrent que les risques sont élevés, ce qui les pousse à exiger une rentabilité forte et un retour sur investissement rapide, incompatibles avec le modèle économique agricole, « où le retour sur investissement se fait sur au moins sept ans ».

Difficile recours aux financements extérieurs

« En France, la législation sur les exploitations agricoles constitue un frein à l’arrivée de ressources extérieures pour renforcer leurs fonds propres », analyse le CEP. « Le statut d’entreprise individuelle (58 % des exploitations) limite les possibilités d’ouverture du capital et le recours à des financements non bancaires », poursuit la note. Par ailleurs, les agriculteurs sont souvent réticents à ouvrir leur capital à des investisseurs extérieurs, « soucieux de maîtriser leur exploitation ».

Pour ce qui est des Gaec, ce statut n’autorise pas la détention de parts par des non-exploitants mais permet « l’entrée de capitaux » sous forme de crédits bancaires, prêts d’investisseurs ou financement participatif dans la limite d’un million d’euros.

D’autres solutions

Le CEP met en avant deux outils jusqu’alors peu utilisés en agriculture, comme le prêt d’honneur, qui porte généralement sur un montant limité mais sans garantie personnelle. Il « est peu coûteux et peut faciliter l’obtention d’autres financements extérieurs », estime la note. Le prêteur est souvent un réseau associatif ou une collectivité territoriale. Le CEP met aussi en avant les fonds d’investissement portés par les coopératives, qui prennent « une participation minoritaire et temporaire » dans une exploitation « pour faciliter l’obtention de financements bancaires ». Mais là encore, leur développement est pour l’instant contraint par le code rural qui limite leur participation au sein des Gaec ou EARL.

Des outils permettant de sécuriser et diversifier la rentabilité des structures agricoles, comme la contractualisation tripartite (entre agriculteurs, industriel et distributeur), la vente de crédit carbone ou encore les paiements pour services environnementaux, pourraient aussi faciliter leur accès aux financements en rassurant les banques, rapporte la note.

Sur la question du financement par la dette, le financement participatif, qu’il soit par actions (crowdequity), par prêts rémunérés ou non (crowdlending) ou par don (crowdgiving), « connaît une progression certaine » en agriculture. Les crédits à impact (leur taux d’intérêt varie en fonction d’indicateurs extra-financiers, environnementaux ou sociaux) ou les fonds de dettes, permettant un financement « hors secteur bancaire », font également partie des outils dits « innovants » identifiés par les experts. « Via la Caisse des dépôts, l’État pourrait souscrire à des fonds de dette à impact orientés vers la transition agroécologique ou le bien-être animal, afin de soutenir leur essor », estime le CEP.

(1) FI Compass, 2020, Financial Needs in the Agriculture and Agri-Food Sectors in France, Commission européenne et Banque européenne d’investissement.

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